Ave Maria - G.Caccini

Carlson-Douguine, quelle rencontre !

 


Décidément, Tucker Carlson est le maître libre du journalisme de communication et d’opinion. Pour la deuxième fois en quelques semaines, il est à Moscou pour interviewer le polus grand philosophe russe vivant et certainement la référence philosophique fondamentale des traditionnalistes, adversaires de la modernité déconstructurante. Les deux hommes débattent du libéralisme et Douguine apparaît comme s’il posait la question aux Américains : est-ce cela que vous voulez, quelque chose qui va jusqu’à la négation de l’être dans l’homme ?

Rarement dans notre époque, deux personnalités représentant avec autant de talent, de brio et de célérité dans la communication deux tendances  étrangères mais alliées dans la même résistance sans le savoir, dont le destin sous peine de mort est de s’unir contre la malédiction diabolique qui frappe le monde. Quelles personnalités, quels destins plus différents que ceux de Tucker Carlson et d’Alexander Douguine ? Eh bien,  jamais plus grande et plus prometteuse proximité n’est apparue entre deux telles  personnalités.


Les deux hommes ont montré courage et audace chacun à leur façon : Carlson en se rendant à Moscou pour la deuxième fois en deux mois pour interviewer sans doute la personnalité la plus importante de Russie avec Poutine ; Douguine, pour avoir accepté une interview en anglais, ce qui représente pour un philosophe, homme du concept, du mot juste, de la phrase complexe, et surtout pour Douguine qui est un philosophe de l’intuition spirituelle, un  vrai risque intellectuel.

Il faut donc écouter les vingt minutes de cette interview, dont le sujet est le libéralisme, avec l’interrogation de Carlson, – vraiment étonnant d’honnêteté et d’humanité, – qui se considère comme un conservateur libéral et qui cherche à savoir comment et pourquoi Douguine considère le libéralisme comme véritablement la figure même de Satan dont l’Occident s’est imprégné (et sur certains points de ce jugement général, Carlson est très proche de Douguine, ce qui fait de cette interview quelque chose de l’esquisse d’une démarche initiatique pour lui-même).

... Douguine qui dit par exemple, se référant à Poutine dont la pensée est imprégnée de celle de Douguine dans la mesure évidente où Douguine exprime plus qu’aucun autre la pensée et la spiritualité russe aujourd’hui... Donc, nul besoin d’“éminence grise” ni de complots comme le débitent nos crétins à deux balles, – mais grassement payés, –  qui noircissent les pages des canards de la civilisation américaniste-occidentaliste :

« Ayant découvert que l'Occident est monstrueux et se sépare sous nos yeux de l'espèce humaine, la Russie s'en est éloignée. Un problème local, le conflit avec l'Ukraine, nous a soudain conduits à des conclusions fondamentales : l'Occident fait fausse route, il entraîne l'humanité dans l'abîme et nous devons l'affronter. C'est la nouvelle la plus importante, quelque chose d'absolument incroyable, car auparavant nous nous étions modestement limités à la lutte pour la souveraineté. [...]

» Et c'est ici que le concept de “satanisme” acquiert pour la première fois une signification très sérieuse. [...] Par “le satanisme de la civilisation occidentale”, Poutine entendait quelque chose d'autre, de beaucoup plus profond. Le satanisme, c'est la primauté de la matière sur l'esprit, le relativisme postmoderne, c'est-à-dire la relativité de toutes les valeurs, y compris celles de l'être humain et de l'esprit. Et c'est la voie que l'Occident a empruntée, non pas hier, mais il y a environ 500 ans, avec le début du New Age. »

... Mais il faut évidemment écouter Carlson-Douguine pour découvrir les différences de perception du concept de “libéralisme” (“nouveau libéralisme”) qui font qu’alors qu’ils semblent être si différents en vérité ils sont bien plus proche que l’on ne croit.

RT.com présente l’interview en quelques paragraphes sans grandeur ni profondeur particulières... C’est sur les suites de l’acte lui-même (l’interview) et non sur son contenu qu’il faut en juger.

« Tucker Carlson interviewe le philosophe conservateur russe Alexandre Douguine. Ils ont discuté du “nouveau libéralisme” et de son rôle dans le destin de la civilisation occidentale. [...]

»Carlson a présenté Dugin comme “un écrivain qui écrit sur de grandes idées”, affirmant que ses livres ont été “interdits par l’administration Biden” aux États-Unis. ”Vous ne pouvez pas les acheter sur Amazon", a-t-il déclaré.

» Au cours de sa conversation avec Carlson, Douguine a expliqué que l'idéologie libérale, devenue de facto incontestée en Occident depuis la chute de l'Union soviétique, conduisait à la disparition du concept de famille. “La famille est détruite au profit de cet individualisme”, a-t-il déclaré, ajoutant que la progression naturelle du libéralisme conduirait à “l’abandon de l’identité humaine”.

»”Prochaine phase : un nouveau libéralisme. Il ne s’agit plus du règne d’une majorité, mais du règne des minorités. Il ne s’agit pas de liberté individuelle, mais de ‘wokenisme’, a déclaré Douguine. “Ce n’est pas la démocratie. C’est du totalitarisme”. »

« Is Putin One of Us ? »

Combien de fois n’avons-nous cité Patrick Buchanan interrogeant gravement les oracles : « Is Putin One of Us ? », et cela en décembre 2013 ? Combien de fois le citerons-nous encore ? Cette question contenait l’essentiel du débat (plus qu’une interview), près de dix ans plus tard, entre Douguine et Carlson, le premier disant au second : “Vous verrez, vous serez obligé, par la logique extrême et néantielle du libéralisme qui aboutit à offrir le choix, au nom de la liberté, de ne plus être un être (Logique de transhumanisme et du posthumanisme)” – Et Carlson n’étant pas insensible à cela...

C’était  donc le 18 décembre 2013 , et, bien sûr, mettez Douguine à la place de Poutine, et tous les paléoconservateurs transmutés en populistes, anti-globalistes, américano-libertariens, et finalement en rien d’autre que des “tradis” stupéfaits devant la catastrophe que la modernité organise :

« Qui connaît un peu Patrick Buchanan, celui-là sera troublé et intéressé, stupéfait dans un premier temps, finalement écartant cette surprise inutile et dépassée, en lisant le commentaire de Buchanan du 17 décembre 2013 sur le site ‘UNZ.com’ qui reprend les textes originaux et importants de personnalités US, – et commentaire de Buchanan sous ce titre : “Is Putin One of Us?”  Buchanan fut le speechwriter de Nixon, partisan de Reagan, républicain et conservateur traditionnel anticommuniste et viscéralement antirusse durant l’essentiel de sa carrière, devenu “paléo-conservateur” pour se distinguer des “néoconservateurs”, mais restant marqué dans le chef de ses accusateurs rémunérés de tendance extrême-droitières (et bien entendu d’antisémitisme pour achever de plier le discours dans le sens convenu) comme isolationniste, adversaire de Roosevelt à cause de sa collusion avec l’URSS de Staline, etc. Dans le texte cité, où question vaut réponse positive évidemment, Buchanan fait de Poutine le porte-drapeau d’un mouvement mondial, transnational, contre les ravages du “progressisme” ou “libéralisme” (ce que nous nommons le “progrès”-Système dans notre F&C de ce même 18 décembre 2013, qui constitue un excellent complément pour ce commentaire de Buchanan, – ou bien est-ce le commentaire de Buchanan qui constitue un complément par le fait d’une application concrète du discours de Poutine). »

Certes, il y a eu des régressions, et c’est ce mot-là que nous pouvions employer à propos du même Buchanan,  le 7 janvier 2018, alors qu’il demandait une attaque pour détruire le régime religieux et rétrograde des mollahs iraniens :

« Buchanan cherche donc à démontrer l’inéluctabilité de la chute de la théocratie iranienne pour décourager la direction américaniste de lancer une attaque contre ce régime. Il démontre surtout, indirectement, les terribles contradictions qui marquent sa position idéologique-traditionnaliste et des paléoconservateurs en général. Un exemple frappant de cette contradiction se lit il y a quatre ans, lorsque Buchanan écrivait un texte à la gloire de Poutine dont l’argumentation n’a fait, depuis, que se renforcer. Le titre inattendu de ce texte était “Poutine est-il l’un des nôtres ?” (sous-entendu, nous paléoconservateurs).

» Le texte que nous avions écrit à cette occasion date du 18 décembre 2013. On sera surpris de constater, en le relisant, combien le texte du 4 janvier 2018 de Buchanan que nous commentons est (selon notre point de vue) en complète régression par rapport à notre façon de voir et l’analyse que nous en faisions, et combien certaines de nos hypothèses pour l’avenir faites alors se sont avérées complètement infondées... »

Tout cela, et ce qui a suivi jusqu’à la situation d’aujourd’hui ne sert qu’à montrer une chose : que Satan se bat fort bien et en disposant d’une extraordinaire puissance, qu’il est engagé dans une lutte terrible contre ceux qui s’opposent à lui, mais aussi que ceux qui s’opposent à lui ne baissent pas la garde malgré la puissance qui les assaillent. Ils ne cèdent pas. Même au plus profond de l’infâme stratagème où les mensonges nous assaillent comme autant d’ordures déversées dans la fosse à purin, un Carlson va deux fois de suite en moins de deux mois à Moscou pour interviewer Poutine et Douguine, et chaque fois de la façon la plus ouverte du monde.

L’affrontement est dialectique et psychologique. Il y a deux ans, Poutine était le Diable, Satan-Hitler, – qui pouvait dire le contraire ? Pour la nième fois, le pauvre Buchanan tombait de haut. Aujourd’hui, Poutine-Douguine apparaît comme un défenseur de la tradition, des vertus structurelles civilisatrices. Un Douguine peut dire ceci que plus aucun Français-‘tradi’, évidemment ami de Guénon, ne s’aventurerait désormais à contester, qu’il soit religieux ou non importe peu :

« René Guénon, philosophe, partisan d'une société spirituelle traditionnelle, [a appelé le satanisme] la Grande Parodie. C'est à cela que conduit la civilisation satanique. Si, au premier stade du matérialisme, il s'agissait de nier toute spiritualité,[...] progressivement, au fur et à mesure que cette Grande Parodie prend forme, un nouveau projet émerge : non seulement le rejet de l'Église, mais la construction d'une anti-Église, non seulement l'oubli de l'esprit, mais la création d'une nouvelle spiritualité, inversée... »

A tout cela, Carlson répond par un regard intéressé, une sorte d’approbation tacite, et il ouvre ainsi, – nouvelle tentative dans ce sens, – la voie à une compréhension américaine, et non plus américaniste, de la véritable bataille en cours. On dira, confondant la vitesse des temps-courants avec la progression des esprits : “On l’a déjà tant de fois essayé...”, et l’on répondra : “Justement, malgré tant d’essais infructueux qui vous renvoie aux vieilles lunes antirusses et anticommunistes, on essaie à nouveau, et à nouveau l’on écoute, pendant que le véritable travail du satanisme  apparaît dans toute son horreur”. Il faut aller jusqu’au fond pour comprendre qu’il s’agit de remonter.

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