Ave Maria - G.Caccini

Le problème de la révolution – Mgr de Ségur

 

La Révolution, préparée par le paganisme de la Renaissance, par le protestantisme et le voltairianisme, est née en France, à la fin du siècle dernier; les sociétés secrètes, déjà puissantes à cette époque, présidèrent à sa naissance. Mirabeau et presque tous les hommes de 1789, Danton et Robespierre, et les autres scélérats de 1793, appartenaient à ces sociétés. 

Ensuite, le foyer révolutionnaire s’est déplacé; il s’est transporté en Italie, et c’est de là que la Vente, ou Conseil suprême, dirige, avec une prudence de serpent, le grand mouvement, la grande révolte dans l’Europe entière. On ne vise qu’à l’Europe parce que l’Europe est la tête du monde

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La Providence a permis que, dans ces dernières années, quelques documents authentiques de la conspiration révolutionnaire tombassent entre les mains de la police romaine. Ils ont été publiés, et nous en donnons ici quelques extraits. La Révolution va nous dire elle-même, par l’organe de ses chefs connus:

  • 1. qu’elle a un plan d’attaque général et organisé;
  • 2. que, pour régner, elle veut corrompre, et corrompre systématiquement;
  • 3. qu’elle l’applique principalement à la jeunesse et au clergé;
  • 4. que ses armes avouées sont la calomnie et le mensonge;
  • 5. que la franc-maçonnerie est son noviciat préparatoire;
  • 6. qu’elle cherche à s’affilier les princes eux-mêmes tout en voulant les détruire;
  • 7. enfin, que le protestantisme est pour elle un précieux auxiliaire.

Quel est le véritable père de la Révolution, et quand elle est née ?

Il y a dans la Révolution un mystère, un mystère d’iniquité que les révolutionnaires ne peuvent pas comprendre, parce que la foi seule peut en donner la clef et qu’ils n’ont pas la foi.

Pour comprendre la Révolution, il faut remonter jusqu’au père de toute révolte, qui le premier a osé dire, et oser répéter jusqu’à la fin des siècles: Non serviam, je n’obéirai pas.

Satan est le père de la Révolution. La Révolution est son œuvre, commencée dans le ciel et se per-pétuant dans l’humanité d’âge en âge.

Le péché originel, par lequel Adam, notre premier père, s’est également révolté contre Dieu, a introduit sur la terre, non pas encore la Révolution, mais l’esprit d’orgueil et de révolte qui en est le principe; et depuis lors le mal a été sans cesse grandissant, jusqu’à l’apparition du christianisme, qui l’a combattu et refoulé en arrière.

La Renaissance païenne, puis Luther et Calvin, puis Voltaire et Rousseau, ont relevé la puissance maudite de Satan, leur père; et, favorisée par les excès du césarisme, cette puissance a reçu, dans les principes de la révolution française, une sorte de consécration, une constitution qu’elle n’avait pas eue jusque là et qui fait dire avec justice que la Révolution est née en France en 1789. « La révolution française, disait en 1793 le féroce Baboeuf, n’est que l’avant-courrière d’une révolution bien plus grande, bien plus solennelle, et qui sera la dernière. » Cette révolution suprême et universelle qui remplit déjà le monde, c’est la Révolution. Pour la première fois, depuis six mille ans, elle a osé prendre à la face du ciel et de la terre son nom véritable et satanique: la Révolution, c’est-à-dire : la grande révolte.

Elle a pour devise, comme le démon, la fameuse parole: Non serviam.

Elle est satanique dans son essence; et, en renversant toutes les autorités, elle a pour fin dernière la destruction totale du règne du Christ sur la terre. La Révolution, qu’on ne l’oublie pas, est avant tout un mystère de l’ordre religieux; c’est l’antichristianisme. C’est ce que constatait, dans son encyclique du 8 décembre 1849, le Souverain Pontife Pie IX: « La Révolution est inspirée par Satan lui-même. Son but est de détruire de fond en comble l’édifice du Christianisme et de reconstituer sur ses ruines l’ordre social du paganisme. » Avertissement solennel confirmé à la lettre par les aveux de la Révolution elle-même: « Notre but final, dit l’instruction secrète de la Vente suprême, notre but final est celui de Voltaire et de la Révolution française, l’anéantissement à tout jamais du catholicisme et même de l’idée chrétienne. »

Quel est l’antirévolutionnaire par excellence ?

C’est Notre-Seigneur Jésus-Christ dans le ciel, et, sur la terre, le Pape, son Vicaire.

L’histoire du monde est l’histoire de la lutte gigantesque des deux chefs d’armée: d’une part, le Christ avec sa sainte Eglise; de l’autre, Satan avec tous les hommes qu’il pervertit et qu’il enrôle sous la bannière maudite de la révolte. Le combat a de tout temps été terrible; nous vivons au milieu d’une de ses phases les plus dangereuses, celle de la séduction des intelligences et de l’organisation sociale de ce qui, devant Dieu, est désordre et mensonge.

Sur le point de mourir, un de nos plus illustres évêques dévoilait naguère la haine et les projets de la Révolution contre le Souverain Pontife. « Le pape, écrivait-il de sa main défaillante, le pape a un ennemi: la Révolution. Un ennemi implacable, qu’aucun sacrifice ne saurait apaiser, avec lequel il n’y a point de transaction possible. Au début, on ne demandait que des réformes. Aujourd’hui, les réformes ne suffisent pas. Démembrez la souveraineté temporelle du Saint-Siège; jetez aux mains de la Révolution, morceau par morceau, tout le patrimoine de saint Pierre, vous n’aurez pas satisfait la Révolution, vous ne l’aurez pas désarmée. La ruine de l’existence temporelle du Saint-Siège est moins un but qu’un moyen, c’est un acheminement vers une plus grande ruine. L’existence divine de l’Eglise, voilà ce qu’il faut anéantir, ce dont il ne doit rester aucun vestige. Qu’importe, après tout, que la faible domination dont le siège est à Rome et au Vatican soit circonscrite dans des limites plus ou moins étroites? Qu’importent Rome même et le Vatican? Tant qu’il y aura sur terre ou sous terre, dans un palais ou dans un cachot, un homme devant lequel deux cent millions d’hommes se prosterneront comme devant le représentant de Dieu, la Révolution poursuivra Dieu dans cet homme. Et si, dans cette guerre impie, vous n’avez pas pris résolument contre la Révolution le parti de Dieu, si vous capitulez, les tempéraments par lesquels vous aurez essayé de contenir ou de modérer la Révolution n’auront servi qu’à enhardir son ambition sacrilège et à exalter ses sauvages espérances. Forte de votre faiblesse, comptant sur vous comme sur des complices, je ne dis pas assez, comme sur des esclaves, elle vous sommera de la suivre jusqu’au terme de ses abominables entreprises. Après vous avoir arraché des concessions qui auront consterné le monde, elle aura des exigences qui épouvanteront votre conscience. »

Nous n’exagérons rien. La Révolution, considérée, non par le côté accidentel, mais dans ce qui constitue son essence, est quelque chose à quoi rien ne peut être comparé dans la longue suite des révolutions par lesquelles l’humanité avait été emportée depuis l’origine des temps, et que nous voyons se dérouler dans l’histoire du monde. La Révolution est l’insurrection la plus sacrilège qui ait armé la terre contre le ciel, le plus grand effort que l’homme ait jamais fait, non pas seulement pour se détacher de Dieu, mais pour se substituer à Dieu. »

« Il faut décatholiciser le monde, écrit un des chefs de la Vente de la Haute-Italie; ne conspirons que contre Rome: la révolution dans l’Eglise, c’est la révolution en permanence, c’est le renversement obligé des trônes et des dynasties. La conspiration contre le siège romain ne devrait pas se confondre avec d’autres projets. »

Entre l’Église et la Révolution, la conciliation est-elle possible ?

Pas plus qu’entre le bien et le mal, entre la vie et la mort, entre la lumière et les ténèbres, entre le ciel et l’enfer. Ecoutez plutôt: « La Révolution, disait naguère une loge italienne de carbonari dans un document occulte, la Révolution n’est possible qu’à une condition: le renversement de la Papauté. Les conspirations à l’étranger, les révolutions en France n’aboutiront jamais qu’à des résultats secondaires tant que Rome sera debout. Quoique faibles comme puissance temporelle, les papes ont encore une immense force morale. C’est donc sur Rome que doivent converger tous les efforts des amis de l’humanité. Pour la détruire, tous les moyens sont bons. Une fois le pape renversé, tous les trônes tomberont naturellement. »

« Il faut, dit de son côté Edgard Quinet, il faut que le catholicisme tombe. Point de trêve avec l’Injuste! Il s’agit non seulement de réfuter le papisme, mais de l’extirper; non seulement de l’extirper, mais de le déshonorer; non seulement de le déshonorer, mais de l’étouffer dans la boue. » – « Il est décidé dans nos conseils que nous ne voulons plus de chrétiens », écrit la Haute Vente. Voltaire avait dit auparavant: « Ecrasons l’Infâme! » Et Luther: « Lavons-nous les mains dans leur sang! »

L’Eglise proclame les droits de Dieu comme principe tutélaire de la moralité humaine et du salut des sociétés; la Révolution ne parle que des droits de l’homme et constitue une société sans Dieu. L’Église prend pour base la foi, le devoir chrétien; la Révolution ne tient nul compte du christianisme; elle ne croit pas en Jésus-Christ, elle écarte l’Eglise et se fabrique à elle-même je ne sais quels devoirs philanthropiques qui n’ont d’autre sanction que l’orgueil de l’honnête homme et la peur des gendarmes. L’Eglise enseigne et maintient tous les principes d’ordre, d’autorité, de justice dans la société; la Révolution les bat en brèche, et, avec le désordre et l’arbitraire, constitue ce qu’elle ose appeler le droit nouveau des nations, la civilisation moderne.

L’antagonisme est complet: c’est la soumission et la révolte, c’est la foi et l’incrédulité. Nul rapprochement possible, nulle transaction, nulle alliance. Retenez bien ceci: tout ce que la Révolution n’a pas fait, elle le hait; tout ce qu’elle hait, elle le détruit. Donnez-lui aujourd’hui le pouvoir absolu; et, malgré ses protestations, elle sera demain ce qu’elle fut hier, ce qu’elle sera toujours: la guerre à outrance contre la Religion, la société, la famille. Qu’elle ne dise pas qu’on la calomnie: ses paroles sont là et ses actes aussi. Souvenez-vous de ce qu’elle fit en 1791 et en 1793, quand elle fut la maîtresse!

Dans cette lutte, l’un des deux partis tôt ou tard sera vaincu, et ce sera la Révolution. Elle paraîtra peut-être triompher pour un temps; elle pourra remporter des victoires partielles, d’abord parce que la société a commis, depuis quatre siècles, dans toute l’Europe, d’énormes attentats qui appellent des chatiments; puis parce que l’homme est toujours libre, et que la liberté, même quand il en abuse, constitue une grande puissance; mais, après le Vendredi-saint vient toujours le dimanche de Pâques, et c’est Dieu lui-même qui, de ses lèvres infaillibles, a dit au chef visible de son Eglise: « Tu es Pierre, et sur cette pierre je bâtirai mon Eglise, et les puissances de l’enfer ne prévaudront pas contre elle. »

Extrait du livre : La Révolution expliquée aux jeunes gens (Mgr de Ségur).

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