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Les hausses de prix actuelles sont faiblement liées à l’inflation

 


Il est devenu un lieu commun d’attribuer la hausse des prix à l’augmentation du volume monétaire d’une zone déterminée. Puisqu’avant de se traduire par un accroissement des tarifs à la consommation, l’inflation représente d’abord la dépréciation de la valeur d’une monnaie.On peut observer que depuis la mise en service de l’euro, c’est seulement lorsque l’impression monétaire a eu lieu en usant d’une politique d’assouplissement quantitatif, qu’un impact majeur sur la stabilité des prix est intervenu. Les mécanismes d’émission monétaire semblent présenter sur l’économie, des conséquences autrement considérables que la simple impression de monnaie. Tom Benoit est essayiste et directeur de la rédaction de Géostratégie magazine. 

Premièrement, les hausses de prix actuelles sont plus ciblées que celles que nous avons connues durant le passé. Ceci est lié au fait qu’une partie des consommateurs manquent de liquidité, mais également de ce que nombre de sociétés proposant biens ou services sont également en carence de réserves financières. 


Par effet de mutualisation des coûts de production, lorsque l’activité économique est florissante, les prix ont généralement tendance à baisser en rapport du pouvoir d’achat. Dans la situation inverse, lorsque la conjoncture économique est atone, les distributeurs augmentent leurs prix en vue de compenser l’irrégularité de leur activité. Cette hausse des prix n’est alors pas d’origine inflationniste, puisqu’elle ne résulte pas d’une augmentation du volume monétaire global, mais serait plutôt causée par un resserrement monétaire s’exerçant particulièrement sur l’économie réelle. En effet, dans ce cas, c’est bien parce que la monnaie, et par suite les transactions, se font plus rares, que les prix s’envolent à la hausse. 

Une telle configuration est apparue dans les pays de l’Eurozone à partir de 2022, car pour la première fois depuis la création de la Banque centrale européenne, une période correspondant à un cycle monétaire restrictif n’a pas été suivie par une phase expansionniste dont l’essentiel de l’impression monétaire se serait répandue dans l’économie réelle.

Beaucoup de “cash” mais pas dans l’économie réelle 

Les difficultés économiques sans précédent que nous rencontrons aujourd’hui découlent de ce que l’impression monétaire massive qui a été opérée par assouplissement quantitatif à partir de 2015 sous l’égide de Mario Draghi, a certes amélioré la capacité de certains États à répondre partiellement au problème de la dette, mais a creusé l’écart qui se situe entre le volume monétaire de la zone euro et la quantité de liquidité en circulation dans l’économie réelle. 

Aussi, nous constatons qu’entre la mise en service de l’euro en 2002 et l’année 2022, que la politique monétaire de la Banque centrale européenne soit en fonction des périodes expansionniste ou restrictive, l’inflation en France est toujours restée stable – se situant généralement entre un et deux pour cent, avec une hausse la faisant monter à 2,8 % en 2008, et un taux au plus bas chutant à zéro en 2015. 

Pourtant, l’émission monétaire a été abondante jusqu’en 2008. Elle s’est ensuite resserrée de 2009 à 2015, faisant suite à la crise des dettes souveraines et à la crise grecque, dont les répercussions ont contribué à l’instauration d’un climat de frilosité. Durant cette dernière période, l’impression de monnaie a été quasi-nulle au sein de la zone euro. 

Si la première moitié des années 2010 n’a pas été marquée par une phase significative d’inflation, c’est essentiellement parce que l’augmentation du volume monétaire global qui avait été opérée durant la décennie précédente, ayant été mise en œuvre par le biais de crédits accordés par des banques commerciales auprès de particuliers ainsi que de PME et d’ETI, avait favorisé la performance de l’économie à l’intérieur de la zone. 

En 2022, brusquement, l’inflation se hisse en France à des taux très élevés et inattendus, montant de 1,6 % où elle se trouvait en 2021 à 5,2 % en seulement une année. 

Cette augmentation, unique en son genre et difficile à juguler, se manifeste après que le volume monétaire de l’Eurozone a été augmenté sans que la nouvelle monnaie n’ait été directement intégrée à l’économie réelle. 

Il faut en conclure que cette fois-ci, les rehaussements successifs des taux directeurs de la Banque centrale européenne pourraient ne pas présenter leurs effets habituels.

Les conséquences sur le marché de l’immobilier 

Les baisses de prix qui risquent d’intervenir, faisant suite à un étouffement de l’économie, devraient plausiblement s’abattre sur des valeurs qui n’étaient pas spécifiquement concernées par les récentes hausses de prix. Aussi, une partie du parc immobilier, surtout celle qui rassemble des biens à forte rentabilité locative dont la mise sur le marché pourrait être amoindrie par la crise, sera probablement affectée. 

D’autre part, la volatilité croissante des monnaies fiat laisse présager que le secteur de l’immobilier ne subira pas de faillite générale, car il demeurera également au milieu d’un florilège d’actifs toujours plus numériques et de moins en moins palpables, un refuge financier dont la cote repose sur un utilitarisme sous-jacent. 

En outre, plusieurs facteurs, notamment géopolitiques et civilisationnels, conduisant vers des modifications d’approvisionnement en énergie et des bouleversements des schémas de production, amènent vers des hausses de prix qui ne sont pas d’origines inflationnistes.

Beaucoup de liquidités mais peu d’effets 

En réalité, l’économie intérieure de la France pâtit bien d’une privation de liquidité qui serait mise au service de l’innovation – car même concernant la part de monnaie qui a été distribuée par l’État à certains citoyens et auprès de certaines entreprises à partir de la pandémie de COVID-19, elle a très peu souvent généré d’investissements productifs. 

Si les hausses de prix mal accueillies résistent parfois aux manœuvres monétaires, une économie prospère permet toujours de faire face à l’augmentation des prix à la consommation. 

L’essentiel est donc aujourd’hui de favoriser à nouveau l’épargne productive et de tendre à retrouver une stabilité monétaire, en ne s’éloignant pas trop de l’actuel taux normal d’inflation fixé à 2 % comme cela a pourtant pu être évoqué durant ces dernières semaines.

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