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1. Nous venons d'entendre la gourmandise, cette furie, nous dire que la guerre contre (la chasteté du) corps est l'un de ses rejetons. Rien d'étonnant à cela : notre premier père Adam nous l'enseigne déjà. Car s'il ne s'était pas laissé dominer par son ventre, il n'aurait jamais su ce qu'est une compagne. C'est pourquoi ceux qui observent le premier commandement ne tombent pas dans la seconde transgression; ils demeurent fils d'Adam, tout en ne connaissant pas l'état d'Adam (après la chute), mais ils sont un peu inférieurs aux anges, et cela afin d'empêcher le mal de demeurer immortel, comme le dit celui qui a été nommé le Théologien. 2. La chasteté en nous affranchissant des misères de la nature des corps, nous fait participer à la nature des purs esprits. C'est cette angélique vertu qui prépare dans nos coeurs une demeure agréable à Jésus Christ, et qui sert de bouclier à notre âme; elle fait de notre nature corruptible une nature incorruptible, et établit une admirable émulation entre les faibles mortels et les esprits immortels. Celui qui pratique cette belle vertu, repousse et éteint dans lui l'amour de créatures par l'amour de Dieu, et les flammes et les ardeurs de son corps par les ardeurs et les flammes de l'Esprit saint. 3. La tempérance est une vertu qui se mêle et s'identifie avec toutes les vertus, et en prend le nom. L'homme qui pratique la tempérance, même dans le sommeil, n'éprouve ni sensation ni mouvement capables de troubler la paix et le calme de son état. L'homme chaste est celui sur lequel l'agréable variété des corps, leur beauté, leur tendresse et le sexe ne font aucune impression fâcheuse. Le caractère distinctif, la preuve particulière et les lois spéciales d'une sainte et angélique chasteté, c'est de n'être pas plus touché ni ému par la présence des corps vivants, que par celle des êtres qui sont morts, par la vue des hommes que par la vue des animaux. Mais faisons une sérieuse attention à cette vérité La chasteté est un don de Dieu. Qu'il s'abstienne donc de penser et de croire, celui qui, pour acquérir le trésor précieux de la chasteté, a beaucoup et péniblement travaillé, que, s'il a le bonheur de le posséder, c'est à ses sueurs et à ses travaux qu'il en est redevable; car il n'est pas donné à notre nature de se vaincre elle-même par ses propres forces. Si donc nous remportons sur elle la victoire, reconnaissons que c'est par le secours de l'Auteur même de la nature que nous avons triomphé - en effet, ne faut-il -pas avouer que, pour vaincre, corriger et guérir, il faut être supérieur à celui qui est vaincu, corrigé et guéri ? 6. Les commencements de la chasteté consistent à refuser tout consentement aux pensées impures et aux mouvements déréglés de la concupiscence; les progrès dans cette vertu, qui en sont comme la perfection moyenne, consistent à éprouver, soit dans le sommeil, soit autrement, mais sans mauvais effets et sans mauvaises pensées, certains mouvements de notre chair, composée de terre et de boue; enfin la perfection de cette vertu céleste consiste dans l'extinction de toute pensée mauvaise, de toute image déshonnête, et de tout se 7. Il est heureux et solidement heureux, celui qui n'est plus frappé ni touché par la beauté, le coloris et les grâces élégantes des personnes qu'il rencontre. 8. Ce ne sont pas précisément ceux qui ont préservé leurs corps de souillure, desquels on peut dire qu'ils ont pratiqué une chasteté parfaite; mais ce sont ceux qui ont parfaitement soumis à l'esprit les différents membres de leurs corps. 9. Nous devons sans doute regarder pour un homme chaste, celui qui, à la présence des corps des autres, est maître des mouvements du sien; mais nous dirons qu'il est d'une chasteté plus parfaite, celui qui est invulnérable à la vue du corps des autres, et qui par la méditation des beautés du ciel, a éteint en lui toutes les ardeurs qu'excitent si naturellement les beautés de la terre. 10. Quiconque combat l'esprit de luxure avec les armes de la prière, ressemble assez à celui qui fait la guerre à un lion. Celui qui, par la continuité et la vigueur des combats qu'il livre et soutient contre ce terrible démon, le renverse et l'abat, est semblable à un homme qui est égal au moins à son ennemi; mais celui qui a réprimé et arrêté entièrement tous les efforts impétueux de la luxure, quoiqu'il soit encore dans un corps mortel, jouit déjà des avantages et des prérogatives dont nous espérons jouir après la résurrection glorieuse. 11. Mais, si n'être plus fatigué pendant le sommeil par des rêves humiliants ni par des mouvements de concupiscence, c'est une marque non douteuse de chasteté, est-ce une preuve moins sûre de luxure, si pendant le jour les mauvaises pensées font tomber volontairement dans des souillures corporelles ? 12. Combattre l'esprit impur par des travaux et des sueurs, c'est vouloir tout simplement enchaîner un ennemi avec des liens de jonc ou d'osier; le combattre par les veilles et par les jeûnes, c'est mettre un collier de fer au cou d'un chien qu'on a soumis; mais si à toutes ces armes on ajoute, pour le combattre, la douceur, l'humilité et le désir vif et ardent de remporter la victoire, c'est abattre, détruire son ennemi et l'ensevelir dans le sable; je dis dans le sable, car l'humilité dans laquelle on doit ensevelir toutes les passions, mais surtout la luxure, ne leur fournit ni substance ni aliments : elle est pur les passions un sable sec et stérile. 13. Plusieurs personnes combattent contre la luxure; mais de différentes manières : les unes lui font la guerre par elles-mêmes et avec leurs propres forces; les autres, avec l'arme de l'humilité; enfin d'autres, aidées de la Force du saint Esprit, qu'elles ont humblement appelé à leur secours, l'ont combattue de telle sorte qu'elles l'ont vaincue et la tiennent en esclavage. Or il me semble qu'on peut comparer les premières à l'étoile du matin; les secondes, à la lune, quand elle est à son plein; les troisièmes, au soleil, qui éclaire le monde de ses rayons. Ces trois sortes de personnes ont leur conversation dans le ciel; car l'aurore annonce l'arrivée du jour, et bientôt le lever du soleil nous le donne abondamment par l'éclat de sa lumière : or c'est ainsi que vont les choses par rapport aux personnes dont nous venons de parler. 14. Semblable au renard qui veut prendre les poules, le démon fait semblant de dormir, afin de nous enlever la chasteté et nous perdre. 15. Gardez-vous donc de jamais vous fier à votre corps de boue; défiez-vous toujours de sa faiblesse, jusqu'à ce qu'enfin Christ vous appelle pour vous présenter devant Lui. 16. Ne vous imaginez pas que la rigueur et l'austérité de vos jeûnes vous aient mis dans une telle perfection de vertu, que vous ne soyez plus exposé à faire des chutes déplorables. Ne perdez jamais de vue qu'une créature qui n'avait jamais mangé, tomba tout d'un coup, du ciel dans l'abîme de l'enfer. 17. Les écrivains ascétiques définissent le renoncement au siècle : une haine qu'on a pour son propre corps, et une guerre continuelle qu'on fait au ventre. 18. Or ce qui fait le plus souvent tomber les jeunes moines dans des fautes contraires à la chasteté, c'est une certaine affection pour les douceurs et les commodités de la vie. L'enflure du coeur a coutume de faire chanceler et quelquefois tomber ceux qui sont le plus avancés dans les voies de la vie religieuse. Enfin ce qui est pour ceux qui sont plus près de la perfection, une pierre d'achoppement, ce sont les jugements téméraires qu'ils font et les condamnations injustes qu'ils portent contre leurs frères. 19. Il y a des gens qui ont estimé heureux ceux qui étaient nés eunuques parce que, selon leur opinion, ils étaient exempts de l'aiguillon de la concupiscence; mais ne nous faisons pas illusion : ceux-là seuls sont réellement heureux qui, par des pensées pures et des désirs chastes, combattent, répriment et vainquent la concupiscence. 20. J'ai vu des personnes qui, malgré elles, sont tombées dans des mouvements déréglés; j'en ai vu d'autres qui, sans succès, ont cherché à les exciter sur elles. Mais ces infâmes n'étaient-elles pas infiniment plus coupables que ceux qui, cruellement poussés et agités par leurs passions, ont eu le malheur de tomber très souvent; puisque, non seulement elles auraient péché, si elles avaient pu le faire, mais elles faisaient tous leurs efforts pour venir à bout de se souiller honteusement. 21. Ils sont bien misérables ceux qui font des chutes; mais les paroles manquent pour stigmatiser ceux qui cherchent à faire tomber les autres. Ne porteront-ils pas, ces hommes détestables, et le poids énorme et la peine effrayante de leurs propres chutes, et le poids et la peine des fautes dans lesquelles ils ont entraîné leurs frères ? 22. Gardez-vous bien de vouloir chasser le démon de l'impureté, en disputant et en raisonnant avec lui; car, pour vous faire tomber, il aura toujours des motifs plausibles à vous présenter, et il se sert de vous-même pour vous faire la guerre. 23. N'oubliez jamais que tous ceux qui croient pouvoir par eux-mêmes combattre la passion impure et en triompher, se trompent grossièrement et ne font rien; car, à moins que le Seigneur ne daigne Lui-même renverser cette maison de chair et de corruption, et bâtir dans nous cette maison d'esprit et de chasteté, ce serait en vain que nous prétendrions par nos veilles et nos jeûnes, détruire la première et élever la seconde. 24. Ce que vous devez faire, c'est de manifester humblement à Dieu la faiblesse de votre nature, de reconnaître devant Lui, l'impuissance de vos forces, et peu à peu vous recevrez de sa Bonté et vous sentirez en vous à présence du don inestimable de chasteté. 25. Parmi les malheureuses victimes des plaisirs charnels, j'ai rencontré un homme qui était enfin revenu à lui-même, et qui, par les travaux d'une conversion et d'une pénitence sincère, travaillait à son salut. Or voici ce qu'il m'a raconté : "Les personnes, me dit-il, qui se laissent aller à l'incontinence, sont agitées et tourmentées d'une ardeur violente pour les objet si corporels, elles sont possédées d'un démon furieux et cruel, lequel est assis en tyran sur leur propre coeur, et y fait sentir son infâme empire par des signes non équivoques; de sorte que, lorsqu'elles sont tentées, et qu'elles contente leur brutale passion, elles éprouvent dans elles-mêmes les douleurs d'un feu semblable à celui d'une fournaise embrasée; qu'elles sont si horriblement hors d'elles, qu'elles ont perdu toute crainte de Dieu et des supplices éternels qu'elles n'envisagent que comme des choses fabuleuses; qu'elles ont la prière en horreur; que la vue d'un cadavre ne fait pas plus d'émotion sur elles que la vue d'une pierre; et qu'elles sont si absorbées et si dévorées par le désir de se satisfaire par des actions infâmes, qu'elles en perdent entièrement la raison, et ressemblent plus à des bêtes furieuses qu'à des créatures raisonnables. Hélas ! si de tels jours n'étaient pas abrégés, pourrait-il y avoir une seule âme, qui, dans la prison d'un corps de sang et de boue, fût capable d'obtenir le salut ? car, dès lorsqu'on se figure que les horreurs auxquelles on se livre, conviennent aux exigences d'une nature corrompue, on les recherche avec une avidité insatiable. Si le sang se plaît dans le sang, le ver au milieu des vers, et que le limon se trouve bien avec le limon, la chair ne doit-elle pas aimer les Ïuvres de la chair ?" Nous tous qui voulons sincèrement faire violence à la nature, afin d'obtenir le royaume des cieux, n'oublions pas que notre chair ne cherche qu'à nous tromper et à nous trahir, que nous devons la combattre, l'affaiblir et la soumettre par toute sorte de moyens et de pieuses industries. Estimons heureux ceux qui n'ont pas éprouvé les malheurs affreux qui frappent les personnes dominées par le démon de l'impureté, et conjurons avec la plus vive instance le Seigneur de nous préserver à jamais d'une si funeste expérience; car ils sont bien loin de cette échelle mystérieuse par laquelle le patriarche Jacob vit les anges monter et descendre, ceux qui sont malheureusement tombés dans l'abîme de l'impureté, et pour s'en approcher et y monter, ils ont besoin de répandre bien des sueurs et des larmes, supporter bien des peines et des travaux, et se dévouer à des jeûnes et à des austérités bien rigoureuses. 26. Nous devons remarquer ici que les ennemis de notre salut se conduisent à peu près dans la guerre qu'ils nous font, comme des soldats rangés en bataille : ils ont ordre de nous attaquer et de nous combattre toutes les fois qu'ils nous rencontreront. 27. Mais, une chose qui ne doit pas peu nous surprendre et nous faire trembler, c'est que parmi ceux qui succombent aux tentations, il y en a qui font des chutes bien plus funestes que les autres c'est encore une remarque que j'ai pu faire. Je dis donc que celui qui a un intellect pour comprendre, comprenne ce que je veux dire ici. 28. Le démon a ordinairement l'habitude d'employer tous ses efforts, toute son occupation, tous ses soins, tous ses diriger tous ses projets et ses desseins de manière à faire tomber les anachorètes dans des crimes qui sont en dehors et contraires à ce que la nature semble demander. C'est pour venir à bout de son dessein que souvent il les a laissés vivre au milieu des femmes, sans leur inspirer ni mauvaises pensées ni mauvais désirs; mais les malheureux se sont laissés prendre à cet artifice, ils se sont crus heureux et tranquilles dans cet état de choses, et n'ont pas voulu comprendre que, où le danger est assez grand et funeste par lui-même, il n'y a pas besoin d'un autre moyen ni d'une autre tentation pour les perdre. 29. Je crois que les démons, ces impitoyables homicides de nos âmes, ont deux raisons principales pour nous porter avec tant d'ardeur et de zèle, à des péchés qui répugnent aux lois de la nature : c'est, premièrement, parce que nous avons toujours en notre pouvoir et en notre disposition la matière du péché; secondement, parce qu'ils nous font par là mériter des peines plus sévères. C'est ce que misérablement éprouvé un homme extraordinaire. Il avait dans un temps commandé avec un empire absolu à ces bêtes féroces; mais un jour il en fut si horriblement assailli et si vigoureusement attaqué, que, non seulement elles le privèrent de la nourriture céleste dont il savourait les douceurs, mais le dépouillèrent de tout et le livrèrent à la plus affreuse misère. C'est pourquoi le bienheureux Antoine, notre maître dans la vie religieuse, en pleurant le malheur de cet homme qui cependant le répara par les rigueurs de la pénitence, disait en poussant de longs gémissements : "Elle est tombée cette grande et solide colonne de vertus." Ce saint Père a jugé dans sa sagesse qu'il ne devait pas nous apprendre quelle était l'espèce de péché que ce malheureux avait commis contre la chasteté; mais on pense qu'il s'agissait d'un crime qu'il avait fait sur son propre corps. Hélas ! il y a donc en nous une espèce de mort et un principe de ruine bien funeste; et cette malheureuse mort réside en nous-mêmes, nous accompagne partout; mais c'est surtout pendant les années de la jeunesse, et je n'ose ni dire ni écrire son nom, car saint Paul me le défend par ces paroles : "Il est des choses qui se font en secret, qu'il serait honteux et indécent de nommer." (Eph 5,12) 30. Cette chair, qui est tout à la fois et notre amie et notre ennemie, le même Apôtre ne craint pas de l'appeler une mort : "Malheureux que je suis ! s'écrie-t-il, qu'est-ce qui me délivrera de ce corps de mort" (Rom 7,24); et un autre théologien l'appelle "une servante vicieuse et qui ne se plaît que dans les ténèbres de la nuit". Je vous avoue que je désirerais bien savoir les raisons pour lesquelles ces deux grands saints ont parlé ainsi de notre corps. 31. Si notre chair est une mort, nous pouvons donc dire qu'il ne mourra pas celui qui l'aura vaincue. Mais où prendre un homme qui, en se préservant entièrement des souillures de la chair, mérite de vivre et de ne jamais voir les horreurs de la mort ? 32. Ce serait ici le lieu de chercher à connaître quelle serait la personne la plus recommandable, ou celle qui, étant morte par le péché, est ressuscitée à la grâce, ou celle qui, n'étant jamais morte, a conservé son innocence. Quelqu'un a prononcé que c'était la dernière de ces deux personnes; mais je ne partage pas son avis, et je crois même qu'il s'est trompé : car Jésus Christ est mort et ressuscité. Celui, au contraire, qui donnerait la préférence à la première personne, le ferait, sans doute, parce qu'il croirait que ceux qui ont eu le malheur de se donner la mort en tombant dans le péché ne doivent jamais désespérer de leur salut. 33. Le démon de l'impureté, cet ennemi cruel et rusé des hommes, afin de nous faire tomber plus facilement dans quelque faute d'incontinence, faute dont il est lui-même l'auteur, nous suggère que Dieu est plein de commisération pour ceux qui ont le malheur de se livrer à la luxure, et qu'il leur pardonne avec d'autant plus de bonté et de clémence, que cette passion est plus naturelle à l'homme, Mais ne manquons pas de bien reconnaître ses ruses et sa perfidie : à peine avons-nous commis un péché honteux, qu'il s'empresse de nous montrer Dieu comme un juge sévère, inexorable et qui ne pardonne rien. Or voyez qu'avant de nous faire consentir au péché, et pour y réussir, il nous représente Dieu comme infiniment bon, clément et miséricordieux, et qu'après qu'il a pu accomplir son mauvais dessein, et qu'il nous a précipités dans l'abîme, il ne cesse de nous parler de la sévérité et de la rigueur des jugements du Seigneur, afin de nous jeter dans le rage et les horreurs du désespoir, et de consommer ainsi notre perte éternelle. Mais il va plus loin : tant que dure ce sentiment de tristesse désespérante qu'il nous a donné, il n'a pas besoin de nous exposer à de nouvelles tentations; il nous tient sous son esclavage; il nous laisse donc tranquilles; mais aperçoit-il que ces regrets douloureux et poignants qu'il nous a inspirés, se calment et, s'apaisent, cet implacable ennemi recommence ses attaques tout comme auparavant et nous expose eu même danger et aux mêmes fautes. 34. Observons que le Seigneur se plaît et prend d'autant plus volontiers ses délices dans un coeur et dans un corps purs et chastes, qu'il est Lui-même, la pureté par essence, et qu'Il est infiniment éloigné de toute souillure produite par les corps; et que les démons, ces monstres hideux de l'enfer ne sont contents, ainsi que nous l'enseignent certains, que dans les mauvaises odeurs qu'exhalent les passions, et dans les ordures d'un corps flétri et corrompu par le vice honteux. 35. La chasteté nous unit intimement avec Dieu par une sainte familiarité, et, qu'autant que notre faible nature en est capable, elle nous rend semblables à Lui. 36. Comme la rosée donne aux fruits de la terre la douceur qu'ils ont, de même la vie religieuse et l'exacte obéissance produisent les doux et agréables parfums de la chasteté; que, si la solitude est capable de calmer et d'éteindre les ardeurs de la concupiscence, la fréquentation des mondains et l'esprit de dissipation leur rendent bien vite l'existence et la vie; et nous devons, à la louange de l'obéissance, dire qu'elle réprime toujours, et en quelque lieu que nous soyons, les mouvements désordonnés de notre corps, et les empêche de reparaître. 37. J'ai quelquefois observé que, par un heureux contrecoup, l'orgueil a produit la vertu d'humilité. Lorsque j'ai vu cette merveille étonnante, je me suis rappelé ces paroles : "Qui peut pénétrer dans les Desseins et dans les Pensées du Seigneur ?" (Rom 11,34) Car nous pouvons voir que la gourmandise et l'enflure du coeur, le faste et l'orgueil, enfantent des fautes honteuses, et que ces fautes auxquelles on s'est volontairement livré, sont souvent des occasions d'humilité. 38. N'est-il pas absolument semblable à cet homme insensé qui, pour éteindre des flammes, se sert d'huile qu'il y jette, celui qui s'imagine qu'il pourra triompher du démon de l'impureté, en vivant dans les délices et dans les excès de l'intempérance ? 39. À qui comparerons-nous celui qui prétend follement terminer avec succès la guerre qu'il soutient contre la luxure avec la seule arme de la tempérance et de la sobriété ? Disons sans hésiter qu'il ressemble à celui qui, étant tombé dans la mer, ne voudrait, pour se sauver, ne se servir que d'une main en nageant. Réunissons donc, si nous voulons triompher, l'abstinence et l'humilité; car nous ne ferions rien avec la première de ces deux vertus, si la seconde n'est avec elle. 40. Lorsqu'on est enclin à quelque vice particulier, c'est contre ce vide qu'il faut diriger ses efforts d'une manière spéciale; c'est ce vice qu'il faut attaquer et vaincre avant tous les autres; mais c'est surtout lorsque nous voyons qu'il règne en nous et que nous le portons avec nous, que nous devons le combattre avec force et constance; car agir autrement, c'est ne vouloir pas faire la guerre aux autres défauts, c'est vouloir les nourrir et les conserver. Rappelons que ce ne sera qu'en exterminant ce cruel Égyptien, que nous mériterons de voir Dieu avec Moïse dans un nouveau buisson ardent, je veux dire l'humilité. 41. Dans une tentation, j'ai éprouvé moi-même les ruses du démon : ce loup cruel et trompeur me procura, par un dessein perfide, une joie et une allégresse déraisonnables, des consolations sans fondement, et des larmes pleines de fausses délices; et moi, simple, crédule et sans expérience, je croyais que toutes ces choses si flatteuses et si agréables étaient des dons du ciel, tandis que tout cela n'était qu'un piège que me tendait le démon pour me faire tomber. 42. Puisque tous les autres péchés que l'homme petit commettre, sont hors de son corps, et que le péché seul de luxure est contre son corps, ce qui arrive parce que par les mouvements de la concupiscence il souille et corrompt sa propre chair, je voudrais bien savoir pour quelle raison, dans les différentes fautes que font les hommes, nous disons, communément qu'ils ont été trompés, et lorsque nous apprenons qu'une personne est tombée dans un péché honteux, nous nous écrions avec douleur et tristesse : Hélas ! elle est tombée. 43. Les poissons ne craignent pas autant l'hameçon qu'une âme voluptueuse ne fuit la quiétude. 44. Aussi, lorsque le démon veut unir deux personnes par les liens d'un amour profane et criminel, il commence par examiner attentivement quelles sont leurs différentes inclinations pour savoir par laquelle allumer l'incendie. |
Ave Maria - G.Caccini
QUINZIEME DEGRE De la Chasteté incorruptible que des hommes corruptibles par leur nature acquièrent par des travaux et des sueurs.
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