Pendant qu'il gagne du temps sur le front parlementaire français, Macron vient de discrètement prendre un engagement qui pèse lourd. Lors du Conseil européen de jeudi et vendredi, il a validé les recommandations de la Commission qui invitent la France à unifier son système de retraite et à rétablir son équilibre financier. Autrement dit, à passer à la retraite à 65 ans. Curieusement, le Président ne s'est guère vanté de ce fait d'armes lorsqu'il a convoqué l'AFP pour lui dicter sa parole officielle.
Pour ceux qui ont loupé quelques étapes dans la vie trépidante de notre Président de la République, nous rappelons donc qu’il ne sera de retour en France que jeudi. Il est aujourd’hui au G7 en Allemagne, et il enchaîne ensuite avec un sommet de l’OTAN. Jeudi et vendredi, une partie des participants à toutes ces réjouissances étaient à Bruxelles pour le dernier conseil européen de la Présidence française de l’Union Européenne, marquée par une brillante et totale absence de résultats…
Mais, vendredi, le Président a convoqué l’AFP (comme, à une époque, les dirigeants soviétiques convoquaient la Pravda) pour délivrer la bonne parole à la Nation : le Président demande à Elisabeth Borne de former un gouvernement de coalition, en allant piquer des personnalités de la NUPES et des LR. On dit que Jadot, l’écolo, serait déjà sur les starting-blocks, et probablement la maire LR de Beauvais, Caroline Cayeux. Le communiste Roussel n’a pas dit non à ce stade.
Macron a ajouté qu’il n’irait pas faire ses emplettes chez LFI ni au RN.
Une chose est sûre : la NUPES est bien morte. Elle n’aura pas survécu aux ambitions personnelles de ses membres. Et l’on peut même penser que ce n’est qu’un début.
Ce que la PravdaFP n’a pas osé demander à Macron
On regrettera quand même que notre Pravda nationale, l’AFP, qui aime donner des leçons de déontologie et d’objectivité à la terre entière, n’ait pas eu le sens minimal de l’impartialité d’interroger le Président sur ses activités bruxelloises, et en particulier sur le sommet européen dont il sortait. Le sujet n’était pourtant pas inintéressant, puisque les dirigeants européens ont parlé de tout un tas de sujets qui nous concernent : l’élargissement de l’Europe, l’Ukraine, l’euro, l’union bancaire.
On pourrait penser qu’un journaliste français qui rencontre le Président de la République à la sortie d’un sommet aussi “sensible” l’interroge sur les sujets “sensibles” et ne se contente pas de prendre note de ce que veut bien dire le Président sur la politique intérieure. Mais la presse subventionnée ne fonctionne pas comme ça : on la convoque pour télégraphier à Paris ce que le Président accepte de dire, et ça s’arrête là.
Engagement sur les retraites
Bref, le Conseil Européen a pris une importante décision passée sous les radars :
22. Le Conseil européen approuve dans l’ensemble les recommandations intégrées par pays
examinées par le Conseil, ce qui permet de clôturer le Semestre européen 2022.
Cette phrase sybilline fait référence à un document que nous avons évoqué la semaine dernière : les recommandations de la Commission par pays. Et, comme nous l’indiquions, parmi ces recommandations dont la publication a été longtemps retardée, on trouve la recommandation faite à la France de réformer ses retraites, à la fois de façon “paramétrique” en revenant à l’équilibre des comptes, et “systémique” en unifiant les régimes existants.
Bref, il s’agit de la réforme avortée en mars 2020, officiellement pour fait de COVID, dans la pratique parce qu’elle avait exaspéré le pays tout entier.
On sait quelle traduction Emmanuel Macron a finalement donnée au projet : passage à la retraite à 65 ans pour tout le monde ou presque.
Donc, alors que Macron venait de valider ce principe au niveau européen, le journaliste de l’AFP ne lui a parlé que d’une coalition partisane sans évoquer le programme à venir.
Vive les subventions à la presse !
Bruno Le Maire ne se sent déjà plus
Dès ce matin, Bruno Le Maire donnait le la de ce qui se prépare :
Tiens donc, après deux ans de “quoi qu’il en coûte” où personne n’avait le droit d’interroger la viabilité financière des confinements à qui mieux-mieux, le ministre de l’Économie découvre que la situation est cataclysmique. Pourtant, il a signé beaucoup beaucoup de chèques avant les élections pour qu’on en arrive là.
Brutalement, donc, nous sommes en “état d’alerte” et il va falloir sévir. Entendez par là : prendre des décisions désagréables comme la réforme des retraites.
On se demande combien de temps ce type de manipulation peut vraiment tenir.
La France et l’Europe sous condominium américain
Nous y reviendrons cette semaine, notamment en évoquant le G7 et ses conclusions, mais l’occasion était trop belle pour ne pas le marteler : ce conseil européen s’intègre à un “timing” très révélateur. Enchâssé dans la semaine où se réunit aussi le G7 et l’OTAN, ce conseil (qui a d’ailleurs tout le mal qu’il pensait de la Russie et de son odieuse agression contre l’Ukraine) rappelle que l’Union Européenne est un pilier parmi d’autres de la domination américaine en Europe.
Ne jamais l’oublier.
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